La question qui marchait à côté

Un matin clair, sans urgence ni bruit,
Patrick Gauthier marchait le long d’un chemin qu’il connaissait bien.
Ce n’était pas un chemin célèbre.
Pas une route des honneurs, ni un sentier de combat.
Juste un endroit où l’on peut penser sans se défendre.

Il marchait depuis longtemps déjà,
chargé de mots, d’images, de vérités vues trop tôt.
Il savait comment les récits se tordent,
comment les systèmes avalent ce qui dépasse,
comment même la bonté peut être récupérée, découpée, vendue.

Il marchait droit.
Mais son pas était parfois lourd.

C’est alors qu’il sentit une présence.
Pas derrière. Pas devant.
À côté.

L’Enfant Naïf marchait là,
sans faire de bruit,
comme s’il avait toujours été attendu.

— Tu vas où? demanda l’Enfant.

Patrick sourit.
Il aimait cette question.
Elle ne demandait pas un plan.
Juste une direction intérieure.

— Je marche, répondit-il.
— Oui, dit l’Enfant. Moi aussi.

Ils avancèrent ensemble un moment,
dans cette paix étrange qui naît
quand personne n’essaie d’avoir raison.

Puis l’Enfant leva les yeux.

— Pourquoi tu continues?
— Continuer quoi?
— À parler doucement, quand tu pourrais crier.
À réparer, quand tu pourrais dénoncer.
À écouter, quand tu pourrais conclure.

Patrick s’arrêta.
Il regarda le ciel, le chemin, ses mains.

— Parce que si je crie trop fort, dit-il,
les gens se ferment.
— Et s’ils se ferment?
— Alors plus rien ne passe.
— Même l’amour?
— Surtout l’amour.

L’Enfant réfléchit.
Il ramassa un petit caillou et le fit rouler entre ses doigts.

— Est-ce que tu as peur qu’on ne t’écoute pas?
Patrick hésita.
Puis il dit la vérité.

— Non.
J’ai peur de devenir quelqu’un que tu ne pourrais plus approcher.

L’Enfant s’arrêta net.
Il le regarda longtemps,
avec ce sérieux tranquille
que seuls les enfants portent sans s’en rendre compte.

— Tu sais, dit-il,
les adultes qui voient clair font souvent peur.
Mais toi…
toi, tu laisses encore de la place.

— De la place pour quoi? demanda Patrick.

L’Enfant sourit.

— Pour s’asseoir.
Pour pleurer sans honte.
Pour poser une question qui n’est pas prête.
Pour ne pas savoir encore.

Ils reprirent la marche.

Le pas de Patrick s’allégea,
sans qu’il sache pourquoi.
Rien n’avait été réglé.
Aucune vérité nouvelle n’avait été proclamée.

Mais quelque chose s’était remis à respirer.

Au bout du chemin, l’Enfant s’arrêta.

— Je vais rester un peu avec toi, dit-il.
— Aussi longtemps que tu voudras.
— Non, répondit l’Enfant.
Aussi longtemps que tu marcheras sans me presser.

Patrick hocha la tête.
Il comprenait.

Et tandis qu’ils repartaient,
quelque chose de simple et de rare
se posa en lui :

la certitude douce
qu’il n’avait rien à prouver,
rien à gagner,
rien à perdre.

Seulement
à continuer de marcher
assez lentement
pour que le bonheur
puisse suivre.

Rendez-vous : Soin de l’Âme

Honorer un être cher. Lui donner une forme qui ne s’efface pas.

Le Soin de l’Âme est une séance profonde, posée, où l’artiste anonyme
et l’Enfant Naïf vous accompagnent dans le souvenir, le deuil, l’hommage.

Vous racontez.
Nous écoutons.
Et ensemble, en direct, nous façonnons une œuvre triple :

un portrait littéraire
une fable originale de l’Enfant Naïf
une image artistique signée Gauthier

Ce n’est pas une thérapie.
C’est un rituel.
Un espace où la mémoire retrouve sa dignité.

Vous repartez avec :

– Portrait littéraire complet
– Fable personnalisée
– Image artistique
– Livrable électronique (PDF haute qualité)

Pour qui ?

Pour un parent, un enfant, un ami…. pour ceux qu’on quitte.
Pour un moment de transition.
Pour laisser une trace qui ne s’effrite pas.

Un geste de paix. Une heure pour dire ce qui devait être dit.

Fable : Celui qui signe en s’effaçant

(Enfant Naïf & Gauthier, artistes anonymes)

Un soir où le vent marchait plus lentement que les vivants,
l’Enfant Naïf trouva un homme assis devant une table de bois.
Son visage était dans l’ombre, comme s’il n’avait pas décidé encore
s’il voulait être vu ou oublié.

— Tu fais quoi? demanda l’Enfant.

L’homme traçait des lignes dans l’air,
comme si la page était trop petite pour contenir ce qu’il portait.

— J’essaie d’écrire pour quelqu’un qui souffre, dit-il.
— Pourquoi t’effaces-tu? demanda l’Enfant.
— Parce que ce n’est pas à moi qu’on doit penser.
— Et pourquoi signes-tu alors?

L’homme soupira. Il avait la fatigue de ceux qui savent trop bien écouter.

— Parce que si je ne signe pas,
n’importe qui pourrait voler leur douleur
et la transformer en marchandise.

L’Enfant Naïf s’assit à côté de lui.
Il posa ses doigts sur la table.
Le bois vibra comme une mémoire.

— Alors tu fais partie du chemin, dit-il.
— Non.
— Si.
— Je ne veux pas prendre de place.
— Ce n’est pas prendre de la place, dit l’Enfant.
C’est tenir la lampe.

L’homme resta silencieux.

— Et pourquoi veux-tu que ce soit unique? demanda l’Enfant.
— Parce qu’il n’y a qu’un seul père, une seule mère, une seule amie.
Parce que chaque vie porte une nuance que personne d’autre n’a.
Une fable répétée serait une trahison.
Un souvenir photocopié serait une insulte.
Une douleur copiée-collée deviendrait un mensonge.

L’Enfant Naïf hocha la tête.

— Tu sais, dit-il, authentique veut dire fait devant quelqu’un.
Pas parfait.
Pas exact.
Présent.
C’est pour ça que tu écris devant eux.
Parce que les mots veulent être nés en témoin.

L’homme releva la tête.
On voyait mieux son regard maintenant :
il portait la lumière de ceux qui écrivent pour les autres,
pas pour eux-mêmes.

— Et pourquoi toi? demanda l’Enfant.
Pourquoi tu veux être là, quand ils sont en train de tomber ou de partir?

L’homme répondit :

— Parce que la mort fait un bruit que les vivants n’entendent plus.
Parce que quelqu’un doit traduire.
Parce que je ne sauverai personne…
mais je peux tenir la main du dernier silence.

L’Enfant Naïf sourit.

— Tu n’es pas un écrivain.
— Non?
— Non.
Tu es une voix qu’on emprunte quand la nôtre tremble.
Et moi, je suis là pour rappeler que même au bord du monde,
il reste encore quelque chose qui écoute.

L’homme reprit son crayon,
et dans un geste rapide, sûr, presque ancien,
il traça une signature simple :

— Gauthier
avec la lance du T qui fend l’ombre comme un chevalier
qui protège sans être vu.

L’Enfant Naïf regarda la signature briller sur la page et dit :

— Voilà.
Tu t’es effacé.
Tu as signé.
Tu as fait les deux en même temps.
C’est comme ça qu’on accompagne.

Et depuis ce soir-là,
chaque fable écrite pour un vivant ou un mourant
porte ce double souffle :
la douceur de l’Enfant Naïf
et la présence discrète de Gauthier,
celui qui se tient juste assez proche
pour éclairer le chemin,
et juste assez loin
pour ne jamais le voler.

Patrick Gauthier