Hommage à Julien Poulin : Entre ombres et lumières

Julien Poulin est mort. Ou peut-être qu’il s’est juste éclipsé, comme un dernier éclair au bout d’un vieux néon. Une présence qui, même absente, occupe encore tout l’espace. C’était un gars de vérité, Julien, un de ceux qui n’avaient pas peur de mettre leurs tripes sur la table, même quand ça faisait mal. Pas besoin de maquiller ça, pas besoin de faux airs. Julien, c’était du brut, du vrai. Une gueule, une voix, un cri dans la nuit québécoise.

Dans un monde où tout le monde veut briller, lui, il savait se salir les mains. Il savait qu’entre la lumière d’un projecteur et l’ombre des coulisses, c’est souvent dans l’obscurité qu’on trouve ce qui compte. Pas besoin de flaflas, pas besoin de flambeaux. Il jouait, il vivait, il créait. Pas pour plaire. Pas pour flatter. Mais parce qu’il savait qu’on est vivant tant qu’on peut raconter une histoire.

Elvis Gratton, ce n’était pas juste une blague, un rire gras à l’emporte-pièce. C’était un miroir, un foutu miroir qu’il nous tendait à bout de bras, comme pour nous dire : « Regarde-toi, osti. » Et nous, on riait. Mais pas un rire facile. Un rire qui gratte dans le fond de la gorge, un rire qui fait réfléchir. Parce que Julien avait ce don de transformer la caricature en poésie crue. Derrière les perruques, les paillettes, et les gros mots, il y avait un homme qui cherchait à comprendre ce que ça veut dire d’être ici, d’être nous, d’être Québécois.

C’était un gars de la scène, mais aussi un gars des ruelles. Il avait ce je-ne-sais-quoi qui te donnait l’impression qu’il avait vécu cent vies avant toi. Tu voyais Julien et tu voyais quelqu’un qui avait aimé, qui avait perdu, qui avait mangé des coups et qui s’était relevé chaque fois, le sourire en coin. Pas parce que ça faisait joli, mais parce que c’est ce qu’on fait quand on n’a pas le choix. Quand on sait que la seule alternative, c’est de rester couché.

Julien, c’était pas un héros, et il n’aurait jamais prétendu l’être. Mais c’était quelqu’un qui savait où regarder quand tout le monde détournait les yeux. Il savait qu’un bon rôle, c’est comme une bonne chanson : ça te rentre dedans, ça te remue, ça te change. Et lui, il jouait chaque rôle comme si c’était le dernier, avec cette intensité qui ne triche jamais.

Maintenant, il n’est plus là, mais il reste tout. Les images, les mots, les silences entre les phrases. Julien Poulin, c’est une empreinte qu’on ne peut pas effacer. Une empreinte qui nous rappelle que la vie, c’est souvent sale, souvent brisée, mais que c’est toujours beau, si on prend le temps de regarder.

Alors, merci, Julien. Merci pour les rires, pour les regards francs, pour les moments où on s’est vu, vraiment vu, à travers toi. Là-haut, ou ailleurs, où que tu sois, continue de raconter tes histoires. Parce qu’ici, on ne les oubliera pas.

Et si le ciel a un théâtre, tu peux parier que ce soir, les rideaux se lèvent pour toi.

Patrick Gauthier