Patrick Gauthier

Dans un village lointain, bordé par une forêt ancienne et mystérieuse, vivait un enfant naïf. Curieux de nature et d'esprit libre, il ne craignait ni les ombres ni les contes qui effrayaient les autres enfants à la nuit tombée. Un soir d'automne, alors que le vent murmure des secrets à travers les branches, l'enfant décide d'explorer la forêt, poussé par une soif d'aventure et de découverte.

Au cœur de cette forêt, sous le voile argenté de la lune, il rencontre une figure sombre et solennelle : la Mort elle-même, drapée dans son étoffe éternelle, tenant sa faux qui brille faiblement sous le clair de lune. Les villageois murmuraient souvent sur son passage froid et impitoyable, mais l'enfant, sans peur, l'aborde avec une innocence désarmante.

« Bonsoir, » dit-il avec un sourire, « pourquoi te tiens-tu si seule dans cette forêt ? »

La Mort, surprise par une telle intrépidité, répond d'une voix qui semble venir de partout et de nulle part à la fois : « Je suis ici pour remplir mon devoir, celui de guider les âmes vers leur prochain voyage. »

Intrigué, l'enfant s'assoit à côté d'elle. Circonspect, il lance une première question: « Pourquoi la vie est-elle si courte ? » « C’est une question de point de vue.” répond la Mort, « Souvent, ceux que je viens chercher, lorsque finalement ils me rencontrent, après un moment de frayeur éprouvent un grand soulagement et me disent la trouver bien longue depuis quelque temps. »

L’enfant réfléchit un moment en silence. Puis il comprend qu’il a trouvé un interlocuteur qui n’a pas peur de la vérité. Les yeux maintenant pétillants de curiosité, plongeant son regard directement dans celui de la Mort, il fait déferler sur elle une pluie de questions, chaque interrogation plus profonde que la précédente. « Qu'est-ce que l'amour peut bien signifier pour ceux qui ne se battent plus pour vivre ? », et « Où vont nos rêves lorsque nous fermons les yeux pour la dernière fois ? » Il pose ses questions avec la candeur de ceux qui n'ont pas encore appris à craindre les réponses.

La Mort, habituellement si réservée et impénétrable, se laisse toucher par l'authenticité et la soif de connaissance de l'enfant. Elle se surprend à contempler les étoiles à travers les yeux de cet être pur, à ressentir le poids des siècles s'alléger sur ses épaules. « La vie, » murmure-t-elle, « est un tissu tissé de lumière et d'ombre, chaque fil une histoire, chaque couleur un sentiment. L'amour, c'est ce qui lie ces fils ensemble, même lorsque la trame semble se défaire. Quant aux rêves, ils sont le souffle de l'âme, voyageant au-delà des frontières de notre existence. »

Leurs échanges, remplis de métaphores et de poésie, deviennent un pont entre deux mondes, celui de l'éphémère et celui de l'éternel. La Mort, qui a guidé des rois et des mendiants, des guerriers et des pacifistes, des innocents et des condamnés à travers les limbes, découvre en cet enfant une lumière qui éclaire différemment les contours de son existence millénaire.

Dans le cœur de cet enfant, la Mort voit se refléter la totalité de l'expérience humaine – ses joies, ses peines, ses espoirs et ses échecs. C'est un miroir dans lequel elle perçoit la beauté et la fragilité de la vie sous un jour nouveau, un rappel que chaque instant est précieux et que chaque vie, quelle que soit sa durée, porte en elle une étincelle unique. Au fil des heures, un lien se tisse entre eux, un échange rare et précieux. La Mort, qui a vu défiler des éons et guidé d'innombrables âmes, trouve dans le cœur de cet enfant quelque chose qu'elle croyait perdu : un rappel de la beauté et de la fragilité de la vie.

Et lorsque vient le moment de se quitter, ce n'est plus en tant que gardienne du seuil éternel que la Mort s'adresse à l'enfant, mais en tant qu'amie, émue et transformée par cette rencontre improbable. Elle lui confie un secret, celui que dans le cœur de chaque être réside une force inimaginable, capable d'éclairer même les ombres les plus denses. Se penchant vers l’enfant, avec une douceur surprenante, elle lui dit : « Ton temps n'est pas encore venu, petit explorateur. La vie a encore tant à t'offrir, tant de mystères à révéler. Va, et poursuis ton chemin avec courage et curiosité. »

L'enfant, le cœur léger et l'esprit rempli de nouvelles questions, se lève et, avant de s'éloigner, se retourne vers la Mort et, avec un sourire, lui dit : « Merci pour cette conversation, à la prochaine fois ! »

La Mort, seule à nouveau sous le voile de la nuit, regarde l'enfant s'éloigner. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle sent quelque chose bouger en elle, un sentiment doux-amer, un souhait silencieux pour que l'enfant vive une vie pleine et riche. Et ainsi se termine la fable de l'Enfant Naïf et de la Mort, un récit qui nous rappelle que même dans les moments les plus sombres, la curiosité, l'innocence et la soif de vivre peuvent éclairer les ténèbres, tissant des liens là où on les attend le moins.