Patrick Gauthier

 

Dans un village enveloppé par la douce étreinte de la nuit, une mère berçait son enfant, la lueur du feu dansant dans ses yeux emplis d'inquiétude. Son compagnon, le père courageux de l'enfant, avait quitté leur demeure au crépuscule, armé de bravoure pour défendre leur foyer contre les ombres menaçantes qui rôdaient aux frontières de leur monde.

Chaque soir, alors que les ténèbres s'installaient, le village s'unissait dans un silence contemplatif, écoutant la berceuse ancestrale qui traversait les âges :

*"Ani’qu ne’chawu’nani’,

C'est le soir, il fait noir, le village s'endort,*

*Awa’wa biqāna’kaye’na,

Le sorcier apparaît dans la vallée,*

*Iyahu’h ni’bithi’ti,

Il touche le sol d'une main, tout s'éteint."*

Dans cette veillée intime, la mère susurrait ces mots à son enfant, promesse d'une protection invisible. Et tandis que les paupières de l'enfant se fermaient, emportées par le chant de la nuit, le monde autour d'eux s'estompait, les guidant dans un royaume de rêves.

Guidés par le sorcier, maître des seuils et gardien des mystères, mère et fils se lançaient dans une quête onirique. Traversant des paysages façonnés par les songes et les espoirs, ils faisaient face à des épreuves qui testaient leur courage et leur amour. Chaque défi surmonté les rapprochait, tissant entre eux un lien indestructible.

Au plus profond de cette aventure, alors que les dangers semblaient insurmontables, les voix des esprits du village murmurèrent à l'oreille de l'enfant, promettant le retour de son père à l'aube. Ces paroles, douces comme le vent, portaient en elles la force des ancêtres et la certitude que rien ne pourrait briser la chaîne d'amour et de protection qui entourait leur famille.

Lorsque les premières lueurs de l'aube caressèrent le village, l'enfant s'éveilla, un sourire naissant sur ses lèvres. La mère, reposée et sereine, ouvrit les yeux pour découvrir, à sa porte, le père, sain et sauf, portant les marques de la nuit mais invaincu.

La légende du Sorcier des Songes fut chantée de génération en génération, rappelant à chaque enfant que, même dans les ténèbres, l'espoir et l'amour veillent, guidant les âmes à travers les épreuves vers la lumière de l'aube. Et dans ce village, chaque soir, les familles s'endormaient en sachant que la nuit, sous la garde du sorcier, était un passage, non pas vers la peur, mais vers une aventure qui renforçait le cœur et l'esprit.